Anne-Sophie Cormerais : un accueil social en langue des signes

Interview d'Anne-Sophie Cormerais, assistante sociale au CCAS de Nantes, formée à la LSF pour mieux accueillir les personnes sourdes et malentendantes.

 

Le centre communal d'action sociale de la ville de Nantes (Loire-Atlantique) propose, aux personnes sourdes et malentendantes, un accueil spécifique assuré par une assistante de service social formée à la langue des signes française (LSF), Anne-Sophie Cormerais, qui nous explique la genèse de ce projet, le fonctionnement de ce dispositif et son impact sur sa pratique professionnelle.

 

 

Par quel biais vous êtes-vous formée à la LSF ?

C'est un projet que j'avais depuis plusieurs années et quand mon supérieur m'a appris que la ville, qui a la volonté de mieux accueillir les personnes malentendantes, proposait aux agents en contact avec le public de se former à la langue des signes, j'ai saisi l'occasion.

 

Cette formation a duré six ans, à raison d'une matinée par semaine, ce qui représente donc un investissement en temps conséquent. Aujourd'hui, à mon tour, je forme les agents d'accueil du CCAS pour qu'ils puissent échanger quelques mots avec les personnes qui souhaiteraient me rencontrer. 

 

Comment avez-vous imaginé cet accueil ?

L'objectif de ce service, ouvert en juin 2017, est d'être un relais, de réorienter, pas forcément d'accompagner sur le long cours. Mais avant même d'ouvrir ce service, j'ai entrepris un long travail de mise en réseau afin de me faire connaître des personnes malentendantes qui, en général, ne savent pas du tout ce qu'est un CCAS et, par conséquent, n'y viennent pas spontanément.

 

Il y a un non-recours important en raison du manque d'information. Je me suis ainsi rapprochée des associations de personnes malentendantes, des instituts spécialisés ou encore du CHU de Nantes, qui propose un accueil spécifique.

 

Egalement, il m'a fallu faire face à une certaine méfiance du public habitué à se débrouiller par lui-même et qui s'interroge sur les raisons qui poussent une personne entendante à apprendre à signer. Concrètement, je reçois sur rendez-vous et j'échange aussi par Skype et par mail. 

 

Par ailleurs, le CCAS a produit des vidéos expliquant les aides et les droits. Le nombre de personnes reçues ne cesse d'augmenter (21 nouvelles personnes entre janvier et juin 2018), en sachant que mon périmètre s'étend aux communes limitrophes de Nantes. Aujourd'hui, ce service spécifique représente environ 60 % de mon temps plein.

 

Quelles sont les spécificités du public malentendant ?

Ce public rencontre les mêmes soucis que les autres publics : problèmes de budget, conflits familiaux… En y ajoutant la barrière de la langue, ce qui le rapproche du public étranger. Par exemple, une personne sourde ne peut pas appeler le 115. Elle a accès au 114, qui est le numéro national pour les appels d'urgence accessible aux personnes qui ont des difficultés à entendre ou parler, un service qui n'est pas conçu pour donner accès à un hébergement. 

 

Je le constate en accompagnant les personnes : beaucoup d'acteurs du social n'ont pas d'accueil spécifique et exigent de s'entretenir en direct avec le demandeur. Les démarches sont vite très compliquées.

 

Votre travail s'en trouve-t-il modifié ?

L'accompagnement en lui-même prend beaucoup de temps pour chaque nouvelle personne, avec des nombreux rendez-vous en extérieur pour faire de la médiation en raison du barrage de la langue. Heureusement, je suis très soutenue par ma hiérarchie qui comprend ces contraintes. 

 

Enfin, les personnes accueillies, trop contentes de trouver un travailleur social avec lequel elles peuvent communiquer, ont du mal à quitter le service.

 

 

Voir les offres d'emploi Assistant de service social.

 

Voir aussi

La fiche métier Assistant de service social.

Les articles :

• Mon métier : assistante sociale en service interentreprises (vidéo)
• Formation des assistants sociaux : quoi de nouveau ?
• Stéphanie Liatard : une assistante sociale de l'autre côté de l'Atlantique
• Protection de l’enfance cherche assistantes sociales
• Mon métier : assistante sociale en pédiatrie à l’hôpital (vidéo)

 

Vous avez apprécié cet entretien ? N'hésitez pas à en faire profiter votre réseau !